vendredi 9 janvier 2015

Pudeur et impudeur



Pudeur et impudeur
L’Orient-Le Jour
25 février 2014

Il est loin le temps où l’impudeur faisait rougir de honte les oreilles chastes et les yeux pudiques. Signe des temps, elle revendique un droit de cité dans l’espace public, exhibant partout sa « fierté » que ce soit en défilant sur des chars dans la rue, en se produisant sur scène et sur les plateaux des télévisions, ou en s’affichant à la une des journaux et sur les couvertures des magazines. De cette « délicatesse de conscience qui la rend sensible à l’espèce de profanation que constitueraient la divulgation ou l’étalage des choses intimes », appelée pudeur, elle se moque éperdument. Le ravalement de l’animal raisonnable à l’animalité pure et simple n’effraie plus notre « civilisation aphrodisiaque ». C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit : la pudeur, c’est la réaction de l’être humain qui craint la réprobation sociale sanctionnant les dérèglements qui s’opposent à la sociabilité naturelle de l’animal raisonnable vivant en société organisée, et qui refuse son statut d’animal pur et simple.

Hasardons la justification catholique de la pudeur, que voici. Dans l’état surnaturel où se trouvaient nos premiers parents, l’animalité nue ne suscitait aucune réaction de honte de la part de la nature sociale de l’être humain mis en présence d’autrui. La nature était bonne. « Et Dieu vit que cela était bon. » Adam et Eve auraient engendré des enfants et vécu nus puisque la grâce n’abolit pas la nature. Mais depuis que « le premier homme pécha principalement en recherchant la ressemblance de Dieu quant à la science du bien et du mal […] ; en ce sens que, par la vertu de sa propre nature, il se déterminât à lui-même ce qu’il est bon ou ce qu’il est mal de faire […] » « […] afin que, comme Dieu, par la lumière de sa nature, régit toutes choses, de même l’homme, par la lumière de sa nature, sans le secours d’une lumière extérieure, pût se régir lui-même […] » (saint Thomas d’Aquin) ; ce qui est symbolisé par la manducation du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ; depuis cette faute originelle, ce fut la chute.

Le culte du moi souverain et la séparation de Dieu ayant libéré en eux les passions du concupiscible, Adam et Eve voient qu’ils sont nus. « Leur nudité, explique le philosophe et moraliste catholique Marcel De Corte, est le symbole de leur nature dépouillée des grâces divines, blessée en sa raison et en sa sociabilité qui la distinguent des autres animaux, ravalée à un niveau bestial. Ils sont nus comme les bêtes sont nues. Mais parce que leur nature n’est pas entièrement corrompue, elle réagit par la pudeur : ils travaillent des feuilles de figuier pour se vêtir, pour se dissimuler l’un à l’autre ce qui les apparente le plus aux animaux : les organes de la reproduction. C’est là le signe que leur intelligence pratique et leur sociabilité naturelle ne sont pas totalement perverties. »

Que des catholiques s’en scandalisent, c’est cela qui est anormal et qui choque, aurait dit l’autre, mais n’inversons pas les choses !

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