Pudeur et impudeur
L’Orient-Le
Jour
25 février 2014
Il
est loin le temps où l’impudeur faisait rougir de honte les oreilles chastes et
les yeux pudiques. Signe des temps, elle revendique un droit de cité dans
l’espace public, exhibant partout sa « fierté » que ce soit en
défilant sur des chars dans la rue, en se produisant sur scène et sur les
plateaux des télévisions, ou en s’affichant à la une des journaux et sur les
couvertures des magazines. De cette « délicatesse de conscience qui
la rend sensible à l’espèce de profanation que constitueraient la divulgation
ou l’étalage des choses intimes », appelée pudeur, elle se moque
éperdument. Le ravalement de l’animal raisonnable à l’animalité pure et simple
n’effraie plus notre « civilisation aphrodisiaque ». C’est pourtant
bien de cela qu’il s’agit : la pudeur, c’est la réaction de l’être humain
qui craint la réprobation sociale sanctionnant les dérèglements qui s’opposent
à la sociabilité naturelle de l’animal raisonnable vivant en société organisée,
et qui refuse son statut d’animal pur et simple.
Hasardons
la justification catholique de la pudeur, que voici. Dans l’état surnaturel où
se trouvaient nos premiers parents, l’animalité nue ne suscitait aucune
réaction de honte de la part de la nature sociale de l’être humain mis en
présence d’autrui. La nature était bonne. « Et Dieu vit que cela était
bon. » Adam et Eve auraient engendré des enfants et vécu nus puisque la
grâce n’abolit pas la nature. Mais depuis que « le premier homme pécha
principalement en recherchant la ressemblance de Dieu quant à la science du
bien et du mal […] ; en ce sens que, par la vertu de sa propre nature, il
se déterminât à lui-même ce qu’il est bon ou ce qu’il est mal de faire
[…] » « […] afin que, comme Dieu, par la lumière de sa nature, régit
toutes choses, de même l’homme, par la lumière de sa nature, sans le secours
d’une lumière extérieure, pût se régir lui-même […] » (saint Thomas
d’Aquin) ; ce qui est symbolisé par la manducation du fruit de l’arbre de
la connaissance du bien et du mal ; depuis cette faute originelle, ce fut
la chute.
Le
culte du moi souverain et la séparation de Dieu ayant libéré en eux les
passions du concupiscible, Adam et Eve voient qu’ils sont nus. « Leur
nudité, explique le philosophe et moraliste catholique Marcel De Corte, est le
symbole de leur nature dépouillée des grâces divines, blessée en sa raison et
en sa sociabilité qui la distinguent des autres animaux, ravalée à un niveau
bestial. Ils sont nus comme les bêtes sont nues. Mais parce que leur nature
n’est pas entièrement corrompue, elle réagit par la pudeur : ils travaillent
des feuilles de figuier pour se vêtir, pour se dissimuler l’un à l’autre ce qui
les apparente le plus aux animaux : les organes de la reproduction. C’est
là le signe que leur intelligence pratique et leur sociabilité naturelle ne
sont pas totalement perverties. »
Que
des catholiques s’en scandalisent, c’est cela qui est anormal et qui choque,
aurait dit l’autre, mais n’inversons pas les choses !
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