vendredi 9 janvier 2015

A propos de la peine de mort


A propos de la peine de mort
L’Orient-Le Jour
Mardi 27 juin 2006

On apprend ce jeudi matin, 22 juin, de la bouche du Premier ministre M. Siniora que le Liban s’apprête à abolir la peine de mort pour se mettre en harmonie avec le Tribunal international. Tout indique que ce tribunal est un tribunal ad hoc créé pour juger les responsables de l’assassinat de Rafic Hariri. Et déjà il sort de sa mission pour régenter les principes du droit pénal libanais au nom de principes et d’idéaux discutables que l’on peut deviner pour avoir un peu suivi en France le débat entre abolitionnistes et partisans de la peine de mort.

Les auteurs et les commanditaires de l’attentat contre Hariri n’ont pas encore été démasqués. Nul ne sait à ce jour s’ils le seront jamais et, dans l’affirmative, s’ils seront châtiés avec la sévérité qu’il convient de leur appliquer. Et l’on s’apprête déjà à abdiquer d’avance, et dans la perspective d’un procès hypothétique, une peine de mort qui eût été le juste salaire des assassins de Hariri et de tous les autres criminels actuels ou en puissance impliqués dans des attentats particulièrement odieux.

Qu’on se le dise aujourd’hui, quitte à reprendre le débat et à le développer demain ou après-demain dans ces colonnes ou dans un autre cadre : l’abolition de la peine de mort est l’aboutissement de la doctrine hédoniste de Jeremy Bentham (1748-1832) qui, selon le philosophe du droit Michel Villey, a largement inspiré le droit européen. Mais, pourra-t-on se demander, où donc voyez-vous un lien entre l’hédonisme et le droit pénal ? Jugez-en par vous-même.

Sous l’étiquette de « l’utilitarisme juridique », Bentham a fondé sa doctrine pénale sur une prétendue loi scientifique que toute action de l’homme est mue par la recherche du plaisir et la fuite des peines. Il en conclut que la législation devra avoir pour but ce qu’il appelle la « maximation du plaisir » et la réduction de la quantité de peine, en nombre et en intensité. Le délit étant un comportement nocif, générateur de peine, il faudra supprimer du catalogue de délits, et je cite Villey, « tout d’abord les offenses à Dieu (sacrilège-blasphème-hérésie) ou à la prétendue morale : les délits sexuels – la pédérastie (elle ne fait de mal à personne) -, le suicide, l’avortement(…). Par contre  restent le vol, l’homicide, les divers dommages ». Quant à la peine, et je cite encore Villey, elle a pour fonction de « détourner ceux qui auraient l’idée de commettre des actes dommageables de l’intérêt escompté de l’opération, tout simplement par la menace d’une peine supérieure au plaisir qu’ils y auraient trouvé ». Et, si la menace se révèle insuffisante, il suffira, pour les mettre hors d’état de nuire d’une mesure, si l’on ose dire, de prophylaxie : la prison où ils seront à l’abri. Il n’y a aucune raison, selon cette doctrine, d’ajouter, un surcroît de supplices inutiles, le but étant d’obtenir au total le chiffre optimum : accroissement du plaisir des uns, payé par la moindre quantité de souffrance pour les délinquants, ce qui devrait par l’effet de la nouvelle science être l’objet d’un calcul précis !

Comment ne pas rappeler en conclusion ce jugement lapidaire de Vladimir Volkoff, romancier et essayiste français décédé en septembre dernier, à propos du monde moderne, et que je cite en substance : on n’a jamais autant sacralisé la vie que depuis qu’on a cessé de croire à l’immortalité de l’âme.

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