A propos de la peine de mort
L’Orient-Le Jour
Mardi 27 juin 2006
On apprend ce jeudi matin, 22
juin, de la bouche du Premier ministre M. Siniora que le Liban s’apprête à
abolir la peine de mort pour se mettre en harmonie avec le Tribunal
international. Tout indique que ce tribunal est un tribunal ad hoc créé pour
juger les responsables de l’assassinat de Rafic Hariri. Et déjà il sort de sa
mission pour régenter les principes du droit pénal libanais au nom de principes
et d’idéaux discutables que l’on peut deviner pour avoir un peu suivi en France
le débat entre abolitionnistes et partisans de la peine de mort.
Les auteurs et les commanditaires
de l’attentat contre Hariri n’ont pas encore été démasqués. Nul ne sait à ce
jour s’ils le seront jamais et, dans l’affirmative, s’ils seront châtiés avec
la sévérité qu’il convient de leur appliquer. Et l’on s’apprête déjà à abdiquer
d’avance, et dans la perspective d’un procès hypothétique, une peine de mort
qui eût été le juste salaire des assassins de Hariri et de tous les autres
criminels actuels ou en puissance impliqués dans des attentats particulièrement
odieux.
Qu’on se le dise
aujourd’hui, quitte à reprendre le débat et à le développer demain ou
après-demain dans ces colonnes ou dans un autre cadre : l’abolition de la peine
de mort est l’aboutissement de la doctrine hédoniste de Jeremy Bentham
(1748-1832) qui, selon le philosophe du droit Michel Villey, a largement
inspiré le droit européen. Mais, pourra-t-on se demander, où donc voyez-vous un
lien entre l’hédonisme et le droit pénal ? Jugez-en par vous-même.
Sous l’étiquette de
« l’utilitarisme juridique », Bentham a fondé sa doctrine pénale sur
une prétendue loi scientifique que toute action de l’homme est mue par la
recherche du plaisir et la fuite des peines. Il en conclut que la législation
devra avoir pour but ce qu’il appelle la « maximation du plaisir » et
la réduction de la quantité de peine, en nombre et en intensité. Le délit étant
un comportement nocif, générateur de peine, il faudra supprimer du catalogue de
délits, et je cite Villey, « tout
d’abord les offenses à Dieu (sacrilège-blasphème-hérésie) ou à la prétendue
morale : les délits sexuels – la pédérastie (elle ne fait de mal à
personne) -, le suicide, l’avortement(…). Par contre restent le vol, l’homicide, les divers dommages ». Quant
à la peine, et je cite encore Villey, elle a pour fonction de « détourner ceux qui auraient l’idée de
commettre des actes dommageables de l’intérêt escompté de l’opération, tout
simplement par la menace d’une peine supérieure au plaisir qu’ils y auraient
trouvé ». Et, si la menace se révèle insuffisante, il suffira, pour
les mettre hors d’état de nuire d’une mesure, si l’on ose dire, de
prophylaxie : la prison où ils seront à l’abri. Il n’y a aucune raison,
selon cette doctrine, d’ajouter, un surcroît de supplices inutiles, le but
étant d’obtenir au total le chiffre optimum : accroissement du plaisir des
uns, payé par la moindre quantité de souffrance pour les délinquants, ce qui
devrait par l’effet de la nouvelle science être l’objet d’un calcul
précis !
Comment ne pas rappeler en
conclusion ce jugement lapidaire de Vladimir Volkoff, romancier et essayiste
français décédé en septembre dernier, à propos du monde moderne, et que je
cite en substance : on n’a jamais
autant sacralisé la vie que depuis qu’on a cessé de croire à l’immortalité de
l’âme.
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