Violences familiales
L’Orient-Le Jour
Mardi 5 juillet 2011
Par un communiqué dont L’Orient-Le Jour a publié des
extraits dans son édition du 24 juin dernier, Dar el-Fatwa annonce son
opposition au projet de loi lié à la protection des femmes contre la violence
familiale. On devine à travers les griefs de la haute autorité religieuse
sunnite, le contenu de quelques-unes des dispositions du projet de loi. Parmi
elles figure « la création de nouveaux crimes », « comme le viol
de l’épouse par son mari ». Dans la livraison du 25 juin, Anne-Marie
El-Hage se fait l’interprète de la femme libanaise, et exprime dans les
colonnes du Journal la « déception féministe » face à cette
« dernière humiliation » d’une longue « série noire ».
N’ayant pas eu accès au texte intégral du projet de
loi en question, il m’est difficile de porter un jugement sur la pertinence de
tous les griefs de Dar el-Fatwa. Mais s’il est vrai qu’entre autres
dispositions, notre législateur cherche à incriminer le « viol » de
l’épouse par son mari, c’est que véritablement il s’apprêtait à marcher sur la
tête. Il faut une méconnaissance radicale de la nature du mariage librement
consenti pour imaginer une conception des relations entre époux aussi contraire
à la « nature des choses ». Certes le mariage n’est pas l’état idéal.
Les païens étaient plus admiratifs de la pureté de vie des grands philosophes
que de leur science. D’où leur titre de sages. Et dans le même esprit le Moyen
Age a toujours considéré comme supérieur à l’état d’homme marié consacré à une
seule femme, l’état de clerc, tout entier au service divin, à la contemplation
et à la prière, et celui de philosophe créé pour tous par la nature. Tant qu’il
est libre le philosophe n’appartient qu’à lui-même ou au monde entier comme
philosophe et le théologien à l’Eglise entière. Tandis que l’homme marié
appartient à sa femme d’abord et de plein droit.
Mais, « pour éviter l’impudicité, dit saint
Paul, que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari » (I Cor,
VII, 2). J’ai lu quelque part que le mariage chrétien est la plus belle farce
que l’Eglise ait jouée au diable. Mais cela vaut pour toute union librement
consentie entre un homme et une femme mariés pour la vie. Il s’ensuit donc que
le mariage comporte des servitudes. « La femme, dit saint Paul dans la
même épître, n’a pas autorité sur son corps, mais c’est le mari ». N’allez
pas croire pour cela que cet asservissement est à sens unique.
« Pareillement, ajoute l’Apôtre, le mari n’a pas autorité sur son corps,
mais c’est la femme ». Chaque conjoint a pour devoir conjugal de rendre à
l’autre ce qu’il lui doit. Jusqu’à la liberté de prier de chacun des conjoints
sera subordonnée au bon plaisir de l’autre. « Ne vous refusez pas l’un à
l’autre, dit saint Paul, si ce n’est d’un commun accord, afin de vaquer à la
prière ». Comme si la continence de chacun dépend du libre consentement de
l’autre, « ou plutôt, écrit Etienne Gilson, car il faut bien tout dire,
elle dépendra de l’incontinence de l’autre » (Héloïse et Abélard, Vrin,
1978, p. 50). Et comme dit l’autre si cette servitude est un mal, ce mal est
incurable.
Comment en est-on arrivé à imaginer que la vie en
communauté soit devenu un lieu de conflit perpétuel : des jeunes contre
les vieux, des femmes contre les hommes, des employés contre les
employeurs ? Serait-ce que nous sommes à ce point conditionnés par la
théorie de la « lutte des classes » que tout notre univers culturel
en porte la marque et que nous voyons toutes les relations humaines à travers
ce prisme ?
Alors qu’elles sont si bien dans leur rôle pour
mettre le holà aux violations de la morale et du droit naturels, les Eglises du
Liban, si promptes à intervenir en politique, pas toujours à tort au demeurant,
observent un silence assourdissant sur ce sujet comme sur tant d’autres, et
notamment sur l’étalage d’impudicités qui envahissent les rues de nos villes et
de nos campagnes.
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