lundi 23 mars 2020

Dialogue entre un croyant et un athée

Dialogue entre un croyant et un athée
En la présence du calife Haroun al-Rachid

Le 21 mars 2020 Arte diffusait une émission intitulée « la Fabuleuse histoire de l’évolution ». Cette occasion me remit en mémoire une controverse ayant opposé, dit-on, Abou Hanifa, célèbre docteur de l’islam, à un athée. Mettant à profit la claustration forcée à laquelle nous condamne le covid-19, j’en fis, en prenant quelques libertés, la traduction suivante, à partir d’un texte édité par Joseph Zeitoun et que j’ai trouvé sur son site : josephzeitoun.com

On raconte qu’un athée, s’étant présenté devant Haroun al Rachid, lui dit : « Ô Commandeur des croyants, les savants de ce temps, tels que Abou Hanifah et consorts, sont unanimes pour dire qu’un Créateur est à l’origine du monde. Mandez le plus savant d’entre eux afin qu’au terme d’une controverse en votre présence, je le persuade de l’inanité de leur thèse. »

Sur ce, Haroun al Rachid députa un émissaire auprès de Abou Hanifa, qui était l’un des savants les plus illustres de son temps, et lui fit dire : « Abou Hanifa, Nous avons reçu la visite d’un athée qui nie l’objet de notre Foi : l’existence d’un Créateur et d’un acte de Création. Et ce mécréant vous engage à en débattre avec lui. »

Ayant tout uniment accepté l’offre, Abou Hanifa arrive en retard au rendez-vous fixé. Néanmoins Haroun al Rachid l’accueille et le fait asseoir au milieu de la salle des audiences, entouré des hauts barons et des dignitaires de la Cour.

- L’athée : « Abou Hanifa, as-tu quelqu’excuse à nous donner à ton retard ? »

- Abou Hanifa : « J’ai été surpris par une circonstance totalement imprévue. Comme je m’apprêtais à traverser le Tigre, j’aperçus un vieux navire complètement désassemblé. A l’instant même où mon regard se fut posé dessus, les planches disjointes se mirent en branle et s’assemblèrent à nouveau formant, sans l’aide d’un menuisier ni d’aucun ouvrier, un navire tout neuf et propre à la navigation. Là-dessus, j’embarquai et me voici parmi vous. Voilà la raison de mon retard. »

Ce qu’entendant l’athée est parti dans un fou rire et, se tournant vers l’assemblée : « Ecoutez, nobles gens, fit-il, les propos de celui que l’on tient pour l’un des savants les plus considérables de son temps. Avez-vous jamais entendu propos plus inconsistants et plus vains ? Comment, diable, un navire disloqué peut-il se reconstituer et ses parties se réajuster, sans l’aide d’un menuisier ? N’est-ce pas là une fable entièrement controuvée ?

« Mécréant insensé et impie, repartit Abou Hanifa, telle est ton incohérence que tu dénies à un navire démantelé et hors d’usage ce que tu accordes à un univers constellé de merveilles confondantes pour la raison, puisqu’il est impossible à l’un de se remettre spontanément en état tandis qu’il est loisible à l’autre d’exister per se et sans Créateur. »


Sur le champ, le calife abbasside donna l’ordre qu’on tranchât le cou à l’athée, convaincu de crime contre Dieu.