Dialogue entre un croyant et un athée
En la présence du calife Haroun
al-Rachid
Le
21 mars 2020 Arte
diffusait une émission intitulée « la Fabuleuse histoire de
l’évolution ». Cette occasion me remit en mémoire une controverse ayant
opposé, dit-on, Abou Hanifa, célèbre docteur de l’islam, à un athée. Mettant à
profit la claustration forcée à laquelle nous condamne le covid-19, j’en fis,
en prenant quelques libertés, la traduction suivante, à partir d’un texte édité
par Joseph Zeitoun et que j’ai trouvé sur son site : josephzeitoun.com
On raconte qu’un athée, s’étant présenté devant Haroun al Rachid,
lui dit : « Ô Commandeur des croyants, les savants de ce temps, tels
que Abou Hanifah et consorts, sont unanimes pour dire qu’un Créateur est à
l’origine du monde. Mandez le plus savant d’entre eux afin qu’au terme d’une
controverse en votre présence, je le persuade de l’inanité de leur
thèse. »
Sur ce, Haroun al Rachid députa un émissaire auprès de Abou Hanifa,
qui était l’un des savants les plus illustres de son temps, et lui fit
dire : « Abou Hanifa, Nous avons reçu la visite d’un athée qui nie
l’objet de notre Foi : l’existence d’un Créateur et d’un acte de Création.
Et ce mécréant vous engage à en débattre avec lui. »
Ayant tout uniment accepté l’offre, Abou Hanifa arrive en retard au
rendez-vous fixé. Néanmoins Haroun al Rachid l’accueille et le fait asseoir au
milieu de la salle des audiences, entouré des hauts barons et des dignitaires de
la Cour.
- L’athée : « Abou Hanifa, as-tu quelqu’excuse à nous
donner à ton retard ? »
- Abou Hanifa : « J’ai été surpris par une circonstance
totalement imprévue. Comme je m’apprêtais à traverser le Tigre, j’aperçus un
vieux navire complètement désassemblé. A l’instant même où mon regard se fut
posé dessus, les planches disjointes se mirent en branle et s’assemblèrent à
nouveau formant, sans l’aide d’un menuisier ni d’aucun ouvrier, un navire tout
neuf et propre à la navigation. Là-dessus, j’embarquai et me voici parmi vous.
Voilà la raison de mon retard. »
Ce qu’entendant l’athée est parti dans un fou rire et, se tournant
vers l’assemblée : « Ecoutez, nobles gens, fit-il, les propos de
celui que l’on tient pour l’un des savants les plus considérables de son temps.
Avez-vous jamais entendu propos plus inconsistants et plus vains ?
Comment, diable, un navire disloqué peut-il se reconstituer et ses parties se
réajuster, sans l’aide d’un menuisier ? N’est-ce pas là une fable
entièrement controuvée ?
« Mécréant insensé et impie, repartit Abou
Hanifa, telle est ton incohérence que tu dénies à un navire démantelé et
hors d’usage ce que tu accordes à un univers constellé de merveilles
confondantes pour la raison, puisqu’il est impossible à l’un de se remettre
spontanément en état tandis qu’il est loisible à l’autre d’exister per se et
sans Créateur. »
Sur le champ, le calife abbasside
donna l’ordre qu’on tranchât le cou à l’athée, convaincu de crime contre Dieu.