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Lecture recommandée: Peut-on
changer l'enseignement de l'Eglise sur la peine capitale ? de Cyrille
Dounot, professeur d'histoire du droit à l'Université Clermont-Auvergne, dans L'Homme
nouveau du
1er sept. 2018 (en
Tribune libre, pages 10 et 11).
En effet, le Pape François, le
11 mai dernier, a modifié le n° 2267 du Catéchisme de l'Eglise
Catholique sur la position de
l'Eglise sur la peine de mort, en l'excluant totalement (thèse
abolitionniste
des Vaudois au XIIIème siècle et des
"Lumières").
L'auteur conteste cette
décision, tant sur la forme (forme juridique
canonique: simple rescrit donné
lors
d'une audience ordinaire, non en forme spécifique abrogeant les
dispositions antérieures, position
personnelle
du Pontife régnant à la lumière de l'Evangile sans justification) que
sur le fond: la continuité
doctrinale.
En effet, du premier Pape, saint
Pierre, jusqu'à saint Jean-Paul II et Benoît XVI, les Papes ont
toujours affirmé le caractère
licite de la peine capitale: Innocent Ier (405),
Innocent III (1210), Léon
X (1520),
Léon XIII, Pie XI (enc. Casti connubii II,
2), Pie XII (1952, 1954) Jean-Paul
II: enc. Evangelium
vitae
(1995) bien qu'en lui étant personnellement
hostile au n°27, mais sans changer la doctrine dans le
Catéchisme
publié en 1992. De même, les conciles de Constance (XVème s.); les Catéchismes du
Concile de Trente, de saint Pie
X et le Catéchisme de l'Eglise catholique fruit d'un travail de six
années d'une commission de six
cardinaux, de sept évêques résidents (en
activité), d'un grand
nombre de spécialistes, de
théologiens, de moralistes après la rédaction de neuf versions
provisoires, de la consultation
de tous les évêques catholiques, des conférences épiscopales, des
Instituts de théologie, etc.
Les Pères de l'Eglise comme
saint Hilaire, saint Jérôme ou saint Augustin justifient la peine capitale
comme exception au cinquième
commandement: Tu ne tueras pas au même titre que la légitime
défense. De même saint
Bonaventure, saint Alphonse de Liguori (patron
des moralistes) ou saint
Robert Bellarmin. Surtout saint
Thomas d'Aquin qui a consacré un article dans la Somme théoloqique
(IIa
IIae, qu. 64, art. 2; cf aussi Ia IIae, qu. 100, art. 8, ad 3um citant la 1 Cor
5, 6) et dans la Somme contre
les Gentils (III, 146).
C. Dounot cite saint Jean-Paul
II qui s'opposait à l'idée qu'un pape modifie une doctrine toujours
enseignée partout et par tous:
"Le Pontife romain a la sacra potestas d'enseigner la vérité de
l'Evangile,
d'administrer les sacrements et
de gouverner l'Eglise au nom et avec l'autorité du Christ, mais cette
postestas, puissance,
n'inclut en soi aucun pouvoir sur la Loi naturelle ou positive" (Discours à le
Rote
romaine, 2000). Dans une note (juin 2004),
le cardinal Ratzinger – alors Préfet de la
Congrégation
de
la doctrine de la Foi – évoquait la possibilité d'un légitime
désaccord avec le Saint- Père sur
l'application de la peine
capitale ou sur la décision de faire la guerre, ces matières relevant de la
vertu
humaine (vertu morale cardinale. Ndlr) de Prudence. Il précisait en
outre: les questions morales n'ont
pas toutes le même poids
moral que l'avortement ou l'euthanasie (...).
Les catholiques peuvent légitimement
avoir des opinions
différentes sur la guerre ou la peine de mort, mais en aucun cas sur
l'avortement et
l'euthanasie."
Enfin sur l'Evangile (qu'invoque François sans préciser), l'auteur
écrit: "La peine capitale fut le
moyen juridique de la Rédemption
et l'Evangile présente Notre-Seigneur acceptant l'affliction de
cette peine, ne déniant cette
prérogative ni à Pilate ni au Sanhédrin (Cf Jn
19, 11). De même le bon
larron déclare devant le Christ,
sans être rabroué, que pour nous, c'est justice, car nous subissons ce
qu'ont mérité nos actes (Lc 23, 41)."
En conclusion, nous sommes bien
libres d'avoir, avec l'Eglise et la Tradition, une autre opinion que
l'opinion personnelle – que nous respectons – du Pape régnant qui ne
peut nous obliger à penser
comme lui et, presque, de nous y
obliger par un rescrit.
Ab. L.
P.S.:
Il est intéressant de relire le livre du Père Bruckberger, dominicain: Oui à
la peine de mort, Plon,
1985
et, pour nos amis du Proche-Orient: "Pourquoi je suis pour la peine de
mort", essai, de Carlos Hage
Chahine avec Névine
Toutounji, Beyrouth, 2017, 86 pages, chez l'auteur
ou