mercredi 19 septembre 2018

http://abbe.laffargue.over-blog.com : Peut-on changer l'enseignement de l'Eglise sur la peine capitale ? de Cyrille Dounot

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Lecture recommandée: Peut-on changer l'enseignement de l'Eglise sur la peine capitale ? de Cyrille
Dounot, professeur d'histoire du droit à l'Université Clermont-Auvergne, dans L'Homme nouveau du
1er sept. 2018 (en Tribune libre, pages 10 et 11).

En effet, le Pape François, le 11 mai dernier, a modifié le n° 2267 du Catéchisme de l'Eglise
Catholique sur la position de l'Eglise sur la peine de mort, en l'excluant totalement (thèse
abolitionniste des Vaudois au XIIIème siècle et des "Lumières").

L'auteur conteste cette décision, tant sur la forme (forme juridique canonique: simple rescrit donné
lors d'une audience ordinaire, non en forme spécifique abrogeant les dispositions antérieures, position
personnelle du Pontife régnant à la lumière de l'Evangile sans justification) que sur le fond: la continuité
doctrinale.

En effet, du premier Pape, saint Pierre, jusqu'à saint Jean-Paul II et Benoît XVI, les Papes ont
toujours affirmé le caractère licite de la peine capitale: Innocent Ier (405), Innocent III (1210), Léon
X (1520), Léon XIII, Pie XI (enc. Casti connubii II, 2), Pie XII (1952, 1954) Jean-Paul II: enc. Evangelium
vitae (1995) bien qu'en lui étant personnellement hostile au n°27, mais sans changer la doctrine dans le
Catéchisme publié en 1992. De même, les conciles de Constance (XVème s.); les Catéchismes du
Concile de Trente, de saint Pie X et le Catéchisme de l'Eglise catholique fruit d'un travail de six
années d'une commission de six cardinaux, de sept évêques résidents (en activité), d'un grand
nombre de spécialistes, de théologiens, de moralistes après la rédaction de neuf versions
provisoires, de la consultation de tous les évêques catholiques, des conférences épiscopales, des
Instituts de théologie, etc.

Les Pères de l'Eglise comme saint Hilaire, saint Jérôme ou saint Augustin justifient la peine capitale
comme exception au cinquième commandement: Tu ne tueras pas au même titre que la légitime
défense. De même saint Bonaventure, saint Alphonse de Liguori (patron des moralistes) ou saint
Robert Bellarmin. Surtout saint Thomas d'Aquin qui a consacré un article dans la Somme théoloqique
(IIa IIae, qu. 64, art. 2; cf aussi Ia IIae, qu. 100, art. 8, ad 3um citant la 1 Cor 5, 6) et dans la Somme contre
les Gentils (III, 146).

C. Dounot cite saint Jean-Paul II qui s'opposait à l'idée qu'un pape modifie une doctrine toujours
enseignée partout et par tous: "Le Pontife romain a la sacra potestas d'enseigner la vérité de l'Evangile,
d'administrer les sacrements et de gouverner l'Eglise au nom et avec l'autorité du Christ, mais cette
postestas, puissance, n'inclut en soi aucun pouvoir sur la Loi naturelle ou positive" (Discours à le
Rote romaine, 2000). Dans une note (juin 2004), le cardinal Ratzinger – alors Préfet de la Congrégation
de la doctrine de la Foi – évoquait la possibilité d'un légitime désaccord avec le Saint- Père sur
l'application de la peine capitale ou sur la décision de faire la guerre, ces matières relevant de la vertu
humaine (vertu morale cardinale. Ndlr) de Prudence. Il précisait en outre: les questions morales n'ont
pas toutes le même poids moral que l'avortement ou l'euthanasie (...). Les catholiques peuvent légitimement
avoir des opinions différentes sur la guerre ou la peine de mort, mais en aucun cas sur l'avortement et
l'euthanasie."

Enfin sur l'Evangile (qu'invoque François sans préciser), l'auteur écrit: "La peine capitale fut le
moyen juridique de la Rédemption et l'Evangile présente Notre-Seigneur acceptant l'affliction de
cette peine, ne déniant cette prérogative ni à Pilate ni au Sanhédrin (Cf Jn 19, 11). De même le bon
larron déclare devant le Christ, sans être rabroué, que pour nous, c'est justice, car nous subissons ce
qu'ont mérité nos actes (Lc 23, 41)."

En conclusion, nous sommes bien libres d'avoir, avec l'Eglise et la Tradition, une autre opinion que
l'opinion personnelle – que nous respectons – du Pape régnant qui ne peut nous obliger à penser
comme lui et, presque, de nous y obliger par un rescrit.

Ab. L.

P.S.: Il est intéressant de relire le livre du Père Bruckberger, dominicain: Oui à la peine de mort, Plon,
1985 et, pour nos amis du Proche-Orient: "Pourquoi je suis pour la peine de mort", essai, de Carlos Hage
Chahine avec Névine Toutounji, Beyrouth, 2017, 86 pages, chez l'auteur
ou