vendredi 9 janvier 2015

Contre la déprime : devoir d’état et « horathérapie »


Contre la déprime :

devoir d’état et « horathérapie »

Ecrit le 24 juillet 2007 et non publié

À l’heure où nous regardons impuissants notre pays tomber à terre, il importe de rappeler à nos concitoyens cet adage des Anciens : la seule manière de contribuer à infléchir ce qui ne dépend pas immédiatement de nous, est de faire ce qui dépend de nous. Accomplir son devoir d’état, c’est-à-dire le devoir qui est le sien à la place qui est la sienne, quand ce ne serait que faire la vaisselle, contribuerait donc puissamment, selon la sagesse des Anciens, à changer la face du monde. On peut les croire, car ces esprits pétris de bon sens avaient plus coutume de parler en gens d’expérience qu’en idéologues enfiévrés de changement. Car qui nourrirait nos enfants, soignerait nos malades, instruirait notre jeunesse, surveillerait les machines, etc., si tous ceux qui ont quelque responsabilité, tous ceux qui ont charge d’âme, étaient tendus de tout leur être à l’actualité, si obsédante soit-elle, rêvant de refaire le monde depuis ses fondations, à la place de se consacrer plus modestement à la tâche qui est la leur ? Et joyeusement.

Pourquoi ? Parce qu’il faut, disait Pascal, faire les petites choses comme grandes à cause de la majesté de Dieu qui les fait en nous et qui vit notre vie, et les grandes comme petites et aisées à cause de sa toute puissance.

Comment ? en appliquant cette méthode si simple que Dom Gérard, alors père abbé du Barroux, conseillait dans un registre voisin, pour lutter contre l’angoisse. Voici ce qu’il écrivait dans une lettre du 21 mai 2000 aux « Amis du monastère » : « Il faudrait, disait-il, s’arrêter un peu, pour voir, pour écouter. Et pour se souvenir. Même chez les hommes d’étude, il y a beaucoup d’activisme : on passe d’une chose à l’autre sans que l’esprit en soit illuminé ; d’où parfois une sensation de vide et d’angoisse. Les psychologues eux-mêmes sont d’accord avec nous. Ils ont découvert une nouvelle méthode pour guérir l’angoisse, c’est l’horathérapie. On conseille au malade de chasser les obsessions en s’attachant au présent, à la chose à faire hic et nunc [ici et maintenant], en donnant tout son temps et toute son attention à la minute qui passe, à la personne qui est en face de soi, à l’objet le plus proche, à l’action requise sur le moment. Calmement. Respectueusement. Cette phrase que je lis, ce mot que je prononce, ce visage qui m’interroge, tout cela à chaque instant contient une grâce de choix. “ Il y a trop d’éternité dans chaque moment qui passe pour en faire bon marché ” disait Madame Swetchine. D’autre part, cet humble moment a sa noblesse : on ne sabote pas le travail. “ Il fallait que ce bâton de chaise fût bien fait ” (Péguy). Et l’on rencontre alors une grande règle de vie spirituelle : consentir au moment présent en lui donnant toute sa place écarte le regret stérile des misères du passé et l’illusion dangereuse des lendemains qui rêvent… On doit le [ce moment] bâtir verticalement, en relation avec l’éternité dont il nous ouvre les portes parce qu’il nous unit à la volonté de Dieu qui l’a voulu tel, et par là nous le rend aimable. »

L’accomplissement du devoir d’état, couplé à l’horathérapie, nous vaudrait l’assurance de lutter efficacement contre la déprime et l’angoisse et, accessoirement, la promesse de contribuer à changer la face du monde. Après avoir tout tenté, avec les résultats que l’on connaît, cela vaut la peine d’essayer.

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