jeudi 2 février 2017

La pitié de la maison Liban

Le 26 janvier dernier un bref débat a eu lieu au Parlement libanais autour d’une proposition du député du Kesrouan, M. Nehmatallah Abi Nasr, ayant pour objet l’instauration d’une journée nationale, non chômée, consacrée à la Grande Famine de 1915-1918. La tournure prise par les échanges entre députés, m’a inspiré la réaction, que vous pourrez retrouver sur mon blog, et que voici :

La pitié de la maison Liban

C’est d’un véritable acte d’impiété filiale, qui n’a pas eu l’heur de retenir l’attention des militants des droits de l’homme et autres ligues de vertus, que le Parlement libanais a été le théâtre le 26 janvier dernier. En guise de réponse à la proposition d’un député de consacrer à la Grande Famine (1915-1918), une journée nationale, non chômée (L’Orient-Le Jour du 27/01/2017), pour commémorer le pire drame qu’ait connu le Liban au début du siècle dernier, d’illustres représentants de la Nation n’ont rien trouvé de mieux qu’afficher leur rire sardonique et puéril. Avant de la balayer d’un revers de la main. « J’ai faim d’électricité, d’eau propre… et le peuple a faim d’une loi électorale juste », lance l’un d’eux. La réponse, en apparence cinglante, est aussi outrageante qu’inappropriée. Il n’est que trop visible que les Libanais manquent de ces conditions élémentaires de la vie moderne. Mais grâce à leur ingéniosité, et aussi à leurs moyens, ils n’en manquent pas, ils ont su suppléer à la pénurie d’eau et de courant, de sorte que, en étant quittes pour le budget, ils en atténuent l’effet. En revanche ils ne sont pas à plaindre côté luxe, avec, en circulation, plus d’un million et demi de voitures, dont des dizaines de milliers de grosses cylindrées, pour une population de 4 millions, et combien de millions de téléphones portables dernier cri ; et pour se soulager des tâches domestiques, ils s’offrent le luxe insolent d’engager à demeure des employés de maison. De quoi faire pâlir d’envie les pays de l’OCDE.

Ce génocide est pourtant si proche de nous qu’il a pu toucher nos grands-parents ou nos arrière grands-parents, leurs cousins, des beaux-parents, des amis, des voisins. J’ai été, enfant, marqué à tout jamais par le récit de mes aînés me narrant le calvaire de ces malheureux jonchant les rues, morts de faim par centaines de mille, obligés de se départir de leur mobilier, des chambranles de leur portes et de leurs fenêtres pour une bouchée de pain, ou encore fouillant les déjections des bêtes à la recherche de quelques graines d’avoine ou de blé. De quoi est-elle faite cette caste de législateurs pour se montrer si insensibles à un drame effroyable qui a décimé, aux dires de ses témoins et des historiens, un tiers de la population du Liban, vocable qui désignait alors la montagne libanaise. Sans doute n’y ont-ils perdu aucun aïeul à moins qu’ils viennent accréditer la thèse de plus d’un historien que cet abominable crime a principalement visé et frappé les chrétiens. Cela expliquerait-il leur manque d’intérêt pour ce drame, il n’explique nullement leur manque de compassion pour les victimes et de solidarité avec leurs descendants.

Cet affront à la mémoire de nos morts s’est passé sur les bancs de notre Parlement. Imaginez seulement les réactions en chaîne et les procès en cascade qu’un tel mépris aurait causé s’il avait eu lieu dans un pays d’Occident !

Honte à vous, qui avez brocardé un pieux député !

Honneur à vous, monsieur Abi Nasr ! 
 
                                                     Carlos HAGE CHAHINE

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