jeudi 4 décembre 2025

« Heureux les artisans de paix » Dans les pas de Léon XIV

 « Heureux les artisans de paix »

Dans les pas de Léon XIV

Pour revenir à l’essentiel du thème de son voyage au Liban

« Heureux les artisans de paix » : ce thème choisi pour le voyage du Pape nous donne l’occasion de faire quelques rappels. Le mot paix est susceptible de mésusages et d’adultérations multiples dont il faut le dégager. Mais pour commencer, rappelons que l’Eglise a toujours repris le monde pour ces erreurs. Sans cesser de le corriger, elle a renoncé à le rudoyer par des anathèmes, prenant le parti de s’adresser à lui avec douceur et beaucoup de circonspection sinon par ambages et circonvolutions. Ce n’est pas ici le lieu de juger le bien-fondé de cette option prudentielle ; si elle porte ou non ses fruits. Toujours est-il que la paix que nous appelons de nos vœux, fût-elle un bien en soi, n’est pas désirable comme havre d’indolence et de repli sur soi. Non plus que fin ultime. Dans un précédent article, nous avons rappelé les déclarations de Pie XII dans son radiomessage au monde le 24 décembre 1948 : « La fin de la paix, dit-il, est de bien protéger les biens de l’humanité en tant que biens du Créateur ». Le prédécesseur de Léon XIV ne craignait pas d’ajouter que « parmi ces biens il en est de telle importance pour la communauté humaine que leur défense contre une agression injuste est, sans nul doute, pleinement justifiée ». Aussi l’Eglise condamne-t-elle la violence, elle ne condamne pas pour autant la force non plus que les armées qui en usent justement et à bon escient, ni ce qu’on appelle avec redondance la légitime défense, qui est la défense de soi tout court. Ainsi la paix est-elle exigeante ; elle exige des sacrifices ; elle est promise aux gens de bonne volonté : « Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonae voluntatis. »[1]

Dans son allocution aux jeunes depuis Bkerké, fidèle à la méthode douce pratiquée dans l’Eglise depuis le concile Vatican II, Léon XIV rappelle les exigences de la paix. « C’est vrai, dit-il, nous vivons à une époque où les relations personnelles semblent fragiles et sont utilisées comme s’il s’agissait d’objets. Même chez les plus jeunes, quelques fois l’intérêt individuel s’oppose à la confiance dans le prochain, le profit personnel est préféré au dévouement envers l’autre. Ces attitudes rendent superficielles même les paroles aussi belles que celles de l’amitié et de l’amour qui, souvent, sont confondues avec un sentiment de satisfaction égoïste. Si au centre d’une relation d’amitié ou d’amour se trouve le moi, cette relation ne peut être féconde. De même, on n’aime pas vraiment si l’on aime à terme, tant que dure un sentiment. Un amour à durée déterminée est un amour de piètre qualité. Au contraire, l’amitié est véritable lorsqu’elle dit “toi” avant “moi”. »

En d’autres termes, le pape Léon prolonge cette réflexion de Dom Gérard Calvet, qui n’est pas sans rapport avec la paix : « L’une des plus funestes illusions de notre temps est de prétendre aimer un Dieu que l’on n’adore pas » (Les Amis du monastère, n° 37) et j’ajouterais, de prétendre aimer des parents que l’on ne respecte pas, des enfants que l’on ne corrige pas, un conjoint que l’on répudie, un fœtus que sa maman, avec la complicité ou non du papa et la participation – hélas ! du corps médical et soignant, accepte d’immoler dans son propre sein, etc., etc. Est-ce trop dur pour notre époque d’entendre l’apostrophe de Mère Thérèsa lors de son discours à Oslo lors de la remise de son prix Nobel de la Paix, le 10 décembre 1979 : « Et je ressens quelque chose que je voudrais partager avec vous. Le plus grand destructeur de la paix, aujourd’hui, est le crime commis contre l’innocent enfant à naître. Si une mère peut tuer son propre enfant, dans son propre sein, qu’est-ce qui nous empêche, à vous et à moi, de nous entretuer les uns les autres ? »

Car la paix est indivisible. Comme le disait un prélat au micro d’un journaliste à l’issue de la messe présidée par le Pape avant de s’envoler pour Rome : « la paix est tridimensionnelle, elle se noue avec soi, avec le prochain et avec Dieu ». Il est vain de séparer la paix internationale, de la paix sociale, de la paix familiale mais aussi, mais surtout de la paix de l’âme qui faisait dire à saint Paul « Je suis rempli de consolation, je surabonde de joie au milieu de toutes nos tribulations » (2 Cor : 7, 4).



[1] Chant de fête et de joie, nous dit le Missel vespéral quotidien de Dom Gaspard Lefebvre, Le Gloria, dont « les premières paroles sont le chant même des anges à Bethléem », se dit aux messes qui présentent un caractère de fête (Paris, Bruges, 1965, p. 838-839).