Paradoxes libanais
L’Orient-Le Jour
Mardi 19 septembre 2006
· Au
moment où le discours politique d’un Siniora, d’un Saad Hariri ou d’un
Joumblatt, correspond à s’y méprendre aux aspirations les plus profondes des
chrétiens, en termes de liberté, d’indépendance et de souveraineté, à ce moment
donc, des voix s’élèvent au sein de l’opposition pour revendiquer leur part du
pouvoir au nom des 75% de l’électorat chrétien supposés acquis à leurs thèses
et frustrés d’une véritable représentation politique en proportion de leur
nombre. Comble du paradoxe, la revendication émane de ceux-là mêmes qui
militent pour l’abolition du confessionnalisme politique. Cela tend à démontrer
que si, en politique, l’opportunisme est chose banale, il n’a pas l’air de trop
affecter la popularité des sujets à ce type de pathologie. Autrement dit, si
l’on peut oser cet emprunt à la terminologie économique, il y aurait en
politique une inélasticité de la popularité par rapport à l’opportunisme.
· Des
sources ecclésiastiques ont laissé entendre que les communautés chrétiennes
auraient discrètement suggéré à des consulats étrangers de durcir les
conditions d’octroi des visas pour endiguer le flux d’émigration des jeunes
Libanais. Que l’émigration de nos jeunes soit un mal déplorable, nos évêques
ont le droit et même le devoir de le dénoncer à temps et à contretemps. Il
n’empêche que l’émigration est l’une
des principales ressources du Liban. Le départ des uns finance le maintien des
autres sur le sol de la patrie. Du reste, l’émigration n’est qu’un symptôme du
mal, et, en toute circonstance, il vaut mieux s’attaquer aux causes du mal que
s’en prendre à ses effets. Quand les conditions de vie rétrécissent
désespérément le champ des possibles sous ses pieds, comment empêcher le jeune
Libanais de se sentir pousser des ailes ? Sans compter que la politique
d’endiguement, loin de freiner l’émigration, ne fait qu’accélérer son
mouvement. Il y a certainement autre chose à faire pour un paralytique que lui
ligoter les bras.
· Après
que ses armées se furent laissé surprendre par l’Ouest, alors que l’ennemi était
attendu à l’Est, Nasser eut la décence d’abdiquer, même pour une courte durée.
Cependant que le secrétaire général du Hezbollah réagit, lui, à sa
« stupéfiante méprise » en s’accrochant encore plus à ses armes. Il
est légitime de sacrifier la partie au bien du tout, la médecine nous en donne
tous les jours des exemples. C’est une toute autre chose que de sacrifier le
tout au bien de la partie, c’est-à-dire le tout libanais au bien exclusif du
Hezbollah, à moins que pour ce dernier, le Liban est lui-même partie d’un tout
supérieur, inavouable, qui cependant est sur toutes les lèvres.
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